Auteur : Valérie Pontif, Docteure en droit privé.
Si la thématique des proches aidants amène souvent à évoquer les congés spécifiques, en particulier le congé de proche aidant, il est en revanche moins souvent question de la santé du proche aidant[1].
La santé du proche aidant : un thème à mieux prendre en compte
Certaines études épidémiologiques ont fait ressortir un lien entre le fait d’être aidant et le développement de pathologies[2]. Comme l’a souligné un auteur[3], c’est la « charge ressentie » par l’aidant qui est probablement un déterminant de santé. Mais le type d’aide apportée (teneur, nombre d’heures consacrées), la pathologie de la personne aidée, le fait d’être seul aidant ou entouré d’autres proches aidants ou d’aidants professionnels, ou encore le niveau de perte d’autonomie de la personne aidée, sont autant d’éléments qui expliquent les différences d’impact sur la santé des proches aidants.
En pratique, les indicateurs concernant la santé des proches aidants ne sont pas satisfaisants : surexposition au stress, maladies chroniques, épuisement, isolement social… Si le proche aidant constitue un rouage entre les générations, les conséquences sur sa santé peuvent être importantes. Il s’agit bien là d’un sujet de santé publique.
En outre, les problèmes de santé des proches aidants ne sont pas sans conséquences sur leur vie professionnelle (difficultés de concentration, démotivation, stress accru avec le risque ultime de « burn out », désinsertion professionnelle…).
L’un des objectifs de la Stratégie « Agir pour les aidants », lancée par le Gouvernement en 2019, visait précisément à renforcer le suivi médical des proches aidants. Pour la période 2023-2027, cette stratégie a notamment pour objectif de renforcer le répit et de permettre un meilleur accès à la santé, via une amélioration du repérage des proches aidants.
Tour d’horizon pour analyser les indicateurs relatifs à la santé des proches aidants, avant d’envisager les pistes pour mieux protéger leur santé.
I -Des indicateurs inquiétants en matière de santé des proches aidants
Parmi les proches aidants, 20 % se disent totalement « submergés »[4]. Plus de huit proches aidants sur dix estiment manquer de temps [5]. 49 % des proches aidants se disent stressés (soit 10 points de plus que la moyenne de la population[6].
Si la crise sanitaire les avait rendu plus visibles, elle avait aussi fortement renforcé leur stress puisqu’ils avaient dû faire face à certaines fermetures et interruptions de services. L’aide apportée est également très pesante pour les proches d’une personne ayant des troubles du comportement ou la maladie d’Alzheimer[7].
Outre le stress, les proches aidants sont davantage concernés par les maladies chroniques et les affections de longue durée. Le fait d’être aidant est aussi un élément déclencheur de pathologies. Ainsi, l’Association françaises des aidants relève que 48 % des personnes interrogées déclarent avoir des problèmes de santé qu’ils n’avaient pas auparavant (sommeil, douleurs, effets de l’isolement notamment). Les femmes aidantes ressentent également un impact plus marqué de l’aidance sur leur santé[8], ce qui peut être lié au fait que ces dernières sont plus souvent concernées par des situations d’aidance à plus forte intensité.
Faute de temps, nombre d’aidants renoncent à se soigner. D’après une enquête BVA Fondation April de 2018, trois aidants sur dix affirment délaisser leur santé. Cette même enquête révèle que seulement 13 % des aidants interrogés disent être questionnés sur leur état de santé lorsqu’ils accompagnent leur proche à un rendez-vous à l’hôpital.
Ces signaux inquiétants sur la santé des proches aidants illustrent l’importance de renforcer la sensibilisation en la matière, d’autant plus que le nombre de proches aidants est croissant. Un actif sur quatre sera proche aidant en 2030 suivant les prévisions et l’âge moyen des aidants est de 42,2 ans[9]. Il s’agit notamment de la « génération pivot ».
II – Les pistes pour mieux protéger la santé des proches aidants
Des dispositifs existent pour protéger la santé des proches aidants[10]. Ainsi le proche aidant d’une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer peut demander une consultation annuelle pour faire un bilan de santé général (recommandations de la Haute Autorité de santé sur le sujet). Le proche aidant d’une personne atteinte d’une maladie chronique peut demander une « visite longue » réalisée par le médecin traitant de la personne aidée.
Des bilans de santé gratuits sont proposés par les CPAM tous les cinq ans. Pour les proches aidants retraités, les centres de prévention AGIRC-ARRCO constituent une ressource pour plus de prévention. Des ateliers santé sont par ailleurs organisés par les associations d’aide aux aidants et les mutuelles.
Si le médecin traitant est un interlocuteur-clé pour la santé des proches aidants, encore faut-il en avoir un, ce qui est loin d’être acquis compte tenu de la pénurie médicale qui sévit actuellement.
En entreprise, le proche aidant peut aussi faire part de sa situation au médecin du travail, ainsi qu’au référent aidant (si l’entreprise en dispose !), aux représentants du personnel, ou à son manager. Cela suppose toutefois qu’un climat propice à la parole ait été établi dans l’entreprise, ce qui n’est pas le cas partout. Rappelons qu’une majorité de proches aidants (près de trois quart d’entre eux) ne parle pas de sa situation à son employeur. Outre le fait qu’il s’agit d’un sujet touchant au registre personnel, de nombreux proches aidants craignent que révéler leur situation produise des effets négatives sur leur emploi.
Plusieurs engagements de la stratégie « Agir pour les aidants » du Gouvernement pour la période 2023-2027 pourraient, s’ils sont tenus, favoriser la santé des proches aidants : c’est le cas notamment de l’engagement n° 1 qui vise à créer 5 000 solutions nouvelles de répit, de l’engagement n° 2, consistant à mettre en place un interlocuteur unique par département pour les aidants (afin que les démarches soient plus efficaces), mais aussi de mieux repérer les aidants en amont via les nouveaux rendez-vous de prévention santé instaurés aux âges-clés de la vie (engagement n° 6).
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[1] Voir cependant la récente étude de L. TOULEMON, « Perte d’autonomie : quels effets sur la santé des proches aidants ? », les dossiers de la DREES, n° 122, octobre 2024.
[2] En particulier dans la littérature anglo-saxonne.
[3]Art. préc.
[4] « Le temps des aidants », Etude BPCE L’Observatoire, 2021
[5] Etude VIAVOICE-OCIRP, « Salariés aidants et dialogue social », 2021.
[6] Etude Malakoff Humanis.
[7]J. ANKRI, art. préc. Voir aussi Observatoire régional de santé, « Santé des proches aidants et interventions en santé publique », Focus santé Ile-de-France, octobre 2020.
[8] L. TOULEMON, étude préc.
[9] OCIRP/VIAVOICE, étude 2023.
[10]Voir le dossier réalisé par l’Association française des aidants
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