Il y a des gens qui ont un don pour métamorphoser les moments difficiles en instants de joie. Pauline a été l’aidante pendant de nombreuses années de sa mère et de sa tante, toutes deux atteintes de maladies neurodégénératives, apparentées à la maladie d’Alzheimer.
Son témoignage magnifique révèle un état d’esprit et une solidarité familiale naturelle qui invitent à réfléchir à l’évolution de notre société.
Comment souhaitons-nous vieillir ?
Voici l’histoire de Pauline.
Aider, une volonté familiale
Je suis mariée, j’ai quatre enfants, j’habite dans un village de moins de 2000 habitants et j’exerce le métier de juriste en droit immobilier.
Il y a quelques années, avec ma famille, nous avons accueilli ma maman à la maison parce qu’elle vivait seule et avançait dans l’âge. Mon mari a accepté de vivre avec sa belle-mère parce qu’outre le fait qu’ils s’appréciaient beaucoup, il était intimement persuadé du bienfait de vivre à plusieurs générations. Nous avons aussi la chance d’habiter dans une maison de village suffisamment grande pour que chacun conserve une certaine intimité.
Il a ensuite été d’accord pour accueillir ma tante lorsqu’elle a commencé à manifester des symptômes neurodégénératifs. Le hasard, la malchance ou peut-être juste la vie, a fait que ma mère a été atteinte d’une maladie apparentée à Alzheimer peu de temps après ma tante.Les enfants étaient jeunes et ont été incroyables dans leur manière d’accepter la maladie. Pour eux, même lorsqu’elles étaient très malades, cela ne changeait rien à leur relation avec ma tante ou ma mère, sauf à les rendre plus à l’écoute peut-être, comme si le problème était simplement un bras cassé.
Ils les ont donc acceptées dans leur quotidien. Il leur ont ré-expliqué 20 fois les mêmes choses avec patience. Ils ont ri, sans se moquer, des situations ridicules. Ils ont continué à aimer leur grand-mère et leur grande tante.Aidante, un parcours semé d’embuches
Avec la maladie, il y a évidemment des moments plus durs à vivre que d’autres. Le plus difficile a pour moi été de gérer mes propres émotions. Je me sentais dépassée parce que la maladie évoluait toujours plus vite que ce que nous avions eu le temps de mettre en place. Quelle frustration d’être toujours en retard d’une étape ! Ce fut particulièrement le cas pour ma tante dont la maladie a évolué de manière fulgurante.
J’ai aussi traversé deux périodes délicates.
La première, quand il a fallu accepter que maman tombe malade aussi vite après ma tante.
La seconde, quand j’ai commencé à avoir peur que l’on me reproche mon choix de continuer à garder mes proches à la maison. Ce n’est pas facile de douter et refaire ces choix à chaque fois. Ce dernier point est vraiment important car je pense que dans la durée mon énergie était intimement liée au sentiment que je faisais ce qu’il fallait. Tant que j’étais sûre d’être sur la bonne voie, je continuais à avancer. Si le doute apparaissait, il s’ajoutait à la fatigue physique et, dans mon cas, cela s’est traduit par de sévères ennuis de santé. J’ai dû être hospitalisée pendant un mois.
Le soutien précieux des aidants secondaires
Au départ, les réactions de notre entourage proche quand nous avons accueilli celles que nous appelions « nos vieilles dames » à la maison ont été variées. Certains n’ont pas compris, particulièrement quelques-uns de la même génération que ma maman et ma tante. Ils ne sont pas beaucoup venus les voir parce que je pense qu’ils avaient peur.
D’autres ont été extrêmement gentils et nous ont rendu service pour assurer des repas, des promenades ou simplement venir leur tenir compagnie. Cela a souvent été le fait de personnes plus jeunes, déjà ouvertes aux publics fragiles.
Dans notre village de 1800 âmes, ce sont aussi des personnes moins proches qui nous ont aidés : le médecin généraliste, l’orthophoniste, la pharmacienne se sont parfois directement appelés afin que les médicaments parviennent par miracle dans notre boîte aux lettres. Un jour, c’est l’épicier qui a demandé à des clients de raccompagner maman qui ne savait plus retrouver la maison. Une autre fois, il lui a gentiment rappelé qu’elle avait déjà acheté le journal.
Même si ces aidants « secondaires » n’étaient pas très nombreux, ils ont facilité notre vie et nous ont permis de ne pas nous sentir isolés.
Être aidant, un rôle facilité par l’humour
Pendant ma vie d’aidante avec ma famille, les anecdotes drôles ont été innombrables. Elles ont ponctué notre quotidien de rires qui, sans faire oublier la maladie, nous ont permis de relâcher la pression. L’incongruité peut surgir à tout moment lorsque nous restons dans le réel et que nous sommes témoins de comportements « décalés ».
Plusieurs pépites me viennent à l’esprit.
Pépite d’aidant n°1
Une amie nous rend visite et apporte des petits chocolats que nous disposons dans un plat. Ma tante arrive, voit les chocolats et plonge sa main dans le plat en souriant avec gourmandise et en s’exclamant : « Oooooh du charbon ! ».
Pépite d’aidant n°2
Du jour au lendemain, maman s’est mise à chanter régulièrement et avec enthousiasme un petit air : « Pétronille, tu sens la menthe, la menthe, la pastille de menthe. Pétronille tu sens la menthe entortillée dans du papier ».
Elle ne l’avait jamais fredonnée auparavant. Nous lui demandons de quoi il s’agit mais elle n’en a aucune idée. Une recherche sur internet nous apprend qu’il s’agit d’une chanson grivoise chantée par un comique troupier né en 1919 et mort en 1935, quand maman avait 10 ans.Pépite d’aidant n°3
Un soir, pendant la préparation du dîner, maman prend un plat à tarte, met des chips dedans, arrose le tout de sucre et met le plat au four.
Je lui demande : « Que fais-tu ? »
Elle me répond le plus naturellement du monde : « Eh bien, je prépare une tarte ! »
Nous décidons de goûter et, ma foi, c’était assez bon et maman était ravie d’avoir participé à l’élaboration du repas !Pépite d’aidant n°4
Régulièrement quand maman ne voulait pas finir son assiette, elle se tournait vers son voisin de table, notre fils Grégoire, et lui donnait ses restes en disant : « Il a encore faim », en dépit des protestations de l’intéressé, âgé de onze ans. Et quand il restait peu d’aliments, elle les cachait sous ses couverts !
Pépite d’aidant n°5
Un matin, je trouve maman déjà levée, assise dans notre salon. Je l’embrasse, lui demande si elle a bien dormi.
Elle me répond : « Oui ».
Je passe alors dans la cuisine et entend maman demander à ma fille qui se brossait les cheveux dans le salon : « Tu la connais cette dame ? ».
Ma fille, sans se démonter, lui répond : « Mais oui, je la connais très bien, c’est ma maman. D’ailleurs, tu la connais aussi parce que c’est ta fille ».
Maman lui répond enchantée : « Ah mais c’est formidable ! ».
Ces moments uniques sont des pépites parce qu’on ne sait pas quand ils surviendront. Ils nous prennent par surprise. Comme les réflexions rigolotes dont les enfants nous font parfois involontairement le cadeau, on peut savourer la spontanéité du rire qu’ils déclenchent. Ils adoucissent les angles de la maladie et nous rappellent qu’il ne sert à rien de regretter l’autre tel qu’il était avant.
Notre message aux aidants avec Pauline : ensemble, nous pouvons toujours rire et partager de bons moments. Ils composeront les plus beaux souvenirs, les plus belles images, les plus grandes émotions de notre histoire d’aidant.
Chez MyTeamily, nous sommes une équipe d’aidants et d’anciens aidants.
Notre mission est d’aider les entreprises à mieux soutenir leurs salariés aidants pour que chacun puisse concilier son rôle d’aidant avec son travail.
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